A mort le foot !
Quel début d'année de merde ! On a eu droit à tout : le séimse au Mexique, la tempête chez le fou du puy, le nouvel album d'Hugues Aufray... et voilà ty pas que dans 3 mois à peine, on va nous rebattre les oreilles 18h sur 24 avec la plus affligeante invention humaine qui soit : le poussage de caillou avé la godasse (plus porteur quand il est appelé "foutebol").
Tout va y passer : pauses café enflammées autour du contrôle du tibia de Juste Fontaine, extases journalistiques devant l'amorti du cartilage nasal de Raymond Copa, super-ralentis sur le pointu manqué d'un illustre inconnu colombien qui ne passera finalement pas la nuit, remakes poignants d'Autant en emporte le vent par la troupe des contorsionnistes de la squadra azzura au grand complet...
Cette seule pensée me fait baigner les amygdales dans une nausée anticipatrice. C'est que, en tant que fils de PD, avant tout spirituel, je goûte assez peu la subtilité de la chose. L'hystérie qu'elle suscite encore moins.
L'ennui, c'est que nous négligeons le football au profit de l'éducation. [Groucho Marx]
Voici bientôt quatre longues semaines que les gens normaux, j'entends les gens issus de la norme, avec deux bras et deux jambes pour signifier qu'ils existent, subissent à longueur d'antenne les dégradantes contorsions manchotes des hordes encaleçonnées sudoripares qui se disputent sur gazon l'honneur minuscule d'être champions de la balle au pied.
Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur. Le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour s'abaisser à jouer au football.
Le football. Quel sport est plus laid, plus balourd et moins gracieux que le football ? Quelle harmonie, quelle élégance l'esthète de base pourrait-il bien découvrir dans les trottinements patauds de vingt-deux handicapés velus qui poussent des balles comme on pousse un étron, en ahanant des râles vulgaires de boeufs éteints ?
Quel bâtard en rut de quel corniaud branlé oserait manifester publiquement sa libido en s'enlaçant frénétiquement comme ils le font par paquets de huit, à grands coups de pattes grasses et mouillées, en ululant des gutturalités simiesques à choquer un rocker d'usine ? Quelle brute glacée, quel monstre décérébré de quel ordre noir oserait rire sur des cadavres comme nous le vîmes en vérité, certain soir du Heysel où vos idoles, calamiteux goalistes extatiques, ont exulté de joie folle au milieu de quarante morts piétinés, tout ça parce que la baballe était dans les bois ?
Je vous hais, footballeurs. Vous ne m'avez fait vibrer qu'une fois : le jour où j'ai appris que vous aviez attrapé la chiasse mexicaine en suçant des frites aztèques. J'eusse aimé que les amibes vous coupassent les pattes jusqu'à la fin du tournoi. Mais Dieu n'a pas voulu. Ça ne m'a pas surpris de sa part. Il est des vôtres. Il est comme vous. Il est partout, tout le temps, quoi qu'on fasse et où qu'on se planque, on ne peut y échapper.
Quand j'étais petit garçon, je me suis cru longtemps anormal parce que je vous repoussais déjà. Je refusais systématiquement de jouer au foot, à l'école ou dans la rue. On me disait : « Ah, la fille ! » ou bien : « Tiens, il est malade », tellement l'idée d'anormalité est solidement solidaire de la non-footballité.
Je vous emmerde. Je n'ai jamais été malade. Quant à la féminité que vous subodoriez, elle est toujours en moi. Et me pousse aux temps chauds à rechercher la compagnie des femmes. Y compris celle des vôtres que je ne rechigne pas à culbuter quand vous vibrez aux stades.
Pouf, pouf.
Fermez les guillemets.
Le football est le reflet de notre société. Regardez bien l'expression d'un joueur sur le terrain, c'est sa photographie dans la vie. - Aimé Jacquet